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Du nouveau du côté des expertises du CHSCT

Lors de ses Rencontres de 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation s’interrogeait sur la « Croissance mal maîtrisée des missions du CHSCT » (Bull. d’information, 15 septembre 2015, n° 787), dont elle constatait qu’il joue désormais un rôle clé, parfois de connivence avec le conseil d’entreprise, tout en étant dans la domination de l’expert, et préconisait une réécriture des textes relatifs au CHSCT (par une refonte dans le CE ou par une mise à plat sans fusion avec le CE).

Cela a été partiellement entendu dans la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social, dite Loi Rebsamen.

I- La chambre sociale poursuit son œuvre et affine sa jurisprudence concernant le CHSCT et, notamment, son droit au recours à l’expertise.

Pour mémoire, le CHSCT ne peut recourir à un expert agréé que dans deux hypothèses prévues à l’article L. 4614-12 du code du travail : d’une part, le risque grave constaté dans l’établissement et, d’autre part, l’existence d’un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

On sait comme ces notions de « risque grave », de « projet » et de « projet important » et même de « conditions de santé » ou de « conditions de travail » sont nécessairement en partie subjectives, malgré certains efforts pour présenter un cadre (sur le faisceau d’indice révélant le projet important, voir Soc. 30 juin 2010, n° 09-13640, Bull. Civ. n° 156 ; sur le risque grave, qui doit être identifié et actuel, voir Soc. 14 novembre 2013, n° 12-15.206) et comme les variations de leur interprétation par la jurisprudence sont source d’insécurité juridique.

La chambre sociale en est parfaitement consciente, et ses récents arrêts pourraient illustrer son souhait de fixer, dans ce contexte, quelques limites.

Dans un arrêt du 14 octobre 2015 (n° 14-17.224, à paraître au bulletin), la cour juge que le projet de restructuration d’une société d’un groupe, qui pourrait éventuellement être susceptible d’avoir à terme des conséquences sur une autre société dudit groupe, ne peut justifier que le CHSCT de cette seconde société désigne un expert, même si cette restructuration est concomitante, au sein de cette seconde société filiale, avec une baisse de chiffre d’affaires et la disparition de certaines productions.

De tels éléments ne constituent pas des éléments de preuve de l'existence d'un risque grave ou d'un projet important de l'article L. 4614-12 du code du travail.

(Il s’agissait en l’espèce du projet de restructuration de la société Peugeot Citroën automobiles, et du CHSCT de la société Faurecia, toutes deux filiales du groupe PSA Peugeot-Citroën).

Et, dans un tout récent arrêt (Soc. 25 novembre 2015, n° 14-11.865, à paraître au Bulletin), la Cour de cassation juge que la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, qui a ajouté aux missions du CHSCT « l'analyse de l'exposition des salariés à des facteurs de pénibilité » n'a pas pour objet de conférer au CHSCT un droit général à l'expertise, laquelle ne peut être décidée que lorsque les conditions visées à l'article L. 4614-12 du code du travail sont réunies.


II- Enfin, la question de la prise en charge du coût de l’expertise (par l’employeur, puisque le CHSCT n’a pas de budget, article L. 4614-13, R. 4614-19 et R. 4614-20 du code du travail), est actuellement sous les feux de l’actualité.

En effet, d’une part, la cour a rappelé (Soc. 18 novembre 2015, n° 14-17.512), que l'employeur, tenu sauf abus de supporter les frais de l'expertise, peut en contester le coût prévisionnel devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés.

Et, surtout, le Conseil Constitutionnel, saisi d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (« QPC »), vient de remettre en cause la jurisprudence de la Cour de cassation qui impose à l’employeur de payer les frais d’expertise malgré l’annulation de la décision désignant l’expert (Soc. 15 mai 2013, n° 11-24.218, Bull. Civ. n° 124).

Cette jurisprudence était motivée par des considérations pragmatiques : l’expert qui a travaillé doit être payé, or, d’une part, il est tenu d’exécuter la mesure d’expertise dans un délai fixe et relativement court à compter de sa désignation et, d’autre part, il n’a d'aucune possibilité effective de recouvrement de ses honoraires contre le CHSCT qui l'a désigné, faute de budget pouvant permettre cette prise en charge.

Le Conseil Constitutionnel vient de dire (CC, QPC 27 novembre 2015, n° 2015-500, JORF n°0277 du 29 novembre 2015 page 22159, texte n° 40) que l’article L. 4614-13 du code du travail qui impose à l’employeur de prendre en charge les frais d’expertise en toute hypothèse (et donc même en cas d’annulation de la décision de désignation de l’expert), prive l’employeur de l’effectivité de son droit de recours.

Le Conseil fixe donc au 31 janvier 2017 le délai d’abrogation pour remédier à cette situation, ce qui laisse le temps au gouvernement de soumettre un projet de Loi au Parlement.


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